Fidéliser la génération Z par l’esprit d’équipe

Le premier levier de fidélisation de la génération Z est l’esprit d’équipe. Cet article de la Harvard Business Review présente les évolutions à venir du rapport à l’entreprise.

L’esprit d’équipe a de l’avenir!

La génération Z, portée par la quatrième révolution industrielle, impose un renouveau du management.

Une des thématiques clés du bouleversement entraîné par la génération Z (née après 1995) est son rapport à la fidélité, ses membres étant qualifiés de  « zappeurs » dans le monde du travail. Selon une étude réalisée par Ipsos fin 2017 pour la plateforme Revolution@Work, 64% des jeunes français assurent qu’exercer plusieurs activités professionnelles en même temps sera la norme dans 10 ans (lire aussi la chronique : « En 2033, je ne travaille plus… je transfère »). Un chiffre qui atteint 70% au Royaume-Uni. Autre donnée marquante : un jeune français sur deux refuse de s’engager à long terme, privilégiant le statut d’intérimaire ou de « free-lance », qui offre plus de souplesse et de flexibilité. Le CDI n’est plus une fin en soi pour les jeunes talents.

Les membres de la génération Z font du mouvement leur art de vivre, en recherchant des aventures dans leurs futurs jobs ainsi que des missions à court terme plutôt qu’un métier. Le terme « slasher », renvoyant au fait de cumuler plusieurs activités, n’est pas un épiphénomène mais bien une réalité pour eux, face à la nécessaire adaptation aux contraintes du marché du travail (augmentation du nombre d’embauches en contrats à durée déterminée, taux de chômage élevé, apparition de nouveaux métiers…) et à l’évolution de leurs aspirations (recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour 64% d’entre eux, d’après les résultats de notre étude réalisée en 2017 auprès de 2230 jeunes). Si, longtemps, le terme « slasher » avait une connotation négative, décrivant un comportement d’infidélité, d’absence d’engagement et de désintérêt pour l’entreprise, avec l’arrivée de la génération Z, il prend une toute autre dimension aujourd’hui, s’attachant à la diversité des expériences et des compétences. Dès lors, cette génération ne contribue-t-elle pas au développement d’une nouvelle forme de fidélité ?

Un nouveau rapport à la fidélité

Pour comprendre l’évolution des formes de fidélité de la génération Z à l’entreprise, il est nécessaire de décrire au préalable la transformation de leurs pratiques de consommation. Les jeunes transforment d’ores et déjà la nature de la fidélité au point de vente : il s’agit d’un lieu où ils expérimentent l’autonomie et la sociabilité, où ils cherchent à être rassurés et où ils prennent du plaisir.

Les résultats d’une étude qualitative montre que, pour qu’une intention de fidélité se concrétise en un comportement de fidélité au point de vente, il est nécessaire que le jeune consommateur soit satisfait et ait l’intention d’être fidèle, mais également que ses accompagnateurs dans ses sorties shopping se montrent eux aussi fidèles. Dans la mesure où les membres de la génération Z sont fortement attachés à leur groupe de pairs, on passe d’une fidélité transactionnelle à une fidélité sociale, qui aujourd’hui prend la forme d’une fidélité collaborative.

Les enseignes développent pour eux des programmes de fidélisation centrés sur le développement de liens sociaux et sur la mise en œuvre d’un marketing communautaire. Ils deviennent parties prenantes du programme de fidélisation. La marque de prêt-à-porter Urban Outfitters a ainsi lancé un programme de fidélité donnant-donnant pour les jeunes, par le biais d’une application mobile, en récompensant les plus engagés en fonction de la promotion qu’ils font de la marque sur les réseaux sociaux (lire aussi la chronique : « Pour convaincre les jeunes consommateurs, adoptez Snapchat »). Le lien social constitue désormais un potentiel de différenciation important dans les politiques de fidélisation.

Cette évolution de la fidélité au point de vente a bien sûr des implications managériales dans le cadre de nécessaires rapprochements transdisciplinaires, par exemple, entre le marketing et les RH. Quelles sont les conséquences de cette vision sociale de la fidélité en matière de RH ?

D’une fidélité à l’entreprise à une fidélité sociale

Cette transformation de la fidélité, plus sociale, dans les pratiques de consommation se traduit dans l’entreprise par un changement de la valeur travail, qui n’est plus le centre de l’existence des jeunes. La fidélité prend toute une autre forme avec l’arrivée de cette nouvelle génération dans le monde du travail : on passe d’une fidélité à l’entreprise à une fidélité sociale, voire même collaborative.

Le premier levier de fidélisation de la génération Z est l’esprit d’équipe (28,8%) avant même le salaire ou la volonté de travailler à l’international. Pour elle, les qualités essentielles requises d’un manager sont la capacité à motiver (87%), à écouter (86%) et à fédérer (79%) selon le baromètre « Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi ». Un des rôles clés du manager est d’améliorer la cohésion de son équipe, en organisant des événements d’émulation professionnels : sorties en groupe, excursions d’entreprise, déjeuners ou dîners d’entreprise, séances collectives de sport. La communauté, c’est-à-dire les salariés d’une même entreprise, peut avoir une identité qu’elle revendique au point de consommer ensemble.

Une politique RH de fidélisation innovante dans ses outils et ses pratiques s’impose donc. Par exemple, pour renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise, Undercurrent, une agence marketing américaine spécialisée dans la marque et l’expérientiel, met à disposition de ses salariés une cagnotte de 400 dollars par trimestre afin que les membres de l’équipe pratiquent de nouvelles activités ensemble en dehors du travail (sport, musique, culture…). Des missions reposant sur l’engagement des salariés envers ses collègues, comme le mentoring, ou encore sur l’engagement des salariés en dehors du travail dans des associations ou des mouvements liés à la communauté locale de clients, pourraient être mieux valorisées et intégrées dans l’évaluation de leur performance. Des rétributions « qualitatives », liées au sens et à l’intérêt du travail, et orientées vers le contenu du travail lui-même, pourraient ainsi devenir un fil conducteur de la gestion des talents. Les entreprises pourraient également proposer davantage de formations en interne pour aider les jeunes talents à développer leurs « soft skills » (l’empathie, la capacité à transmettre…), qui ne font pas strictement partie de leurs missions mais qui permettent de mieux les exercer et qui sont moteurs de l’innovation et du changement dans l’entreprise. Il s’agit là encore d’une clé pour mieux fidéliser les Z.

D’une fidélité absolue à une fidélité choisie

Contrairement aux générations plus anciennes qui exprimaient une loyauté fidèle, voire un véritable dévouement pour l’entreprise, la génération Z a un rapport à l’entreprise plus équilibré. Paradoxalement, malgré la crise du marché du travail, les jeunes talents se montrent plus exigeants à l’égard de l’entreprise et choisissent délibérément celle qu’ils souhaitent intégrer, en adéquation avec leurs aspirations. On passe d’une fidélité absolue et subie à une fidélité choisie.

L’entreprise n’est plus un lieu de travail, elle devient un lieu de vie au sein duquel les membres de la génération Z souhaitent s’épanouir en présence de leurs pairs. En d’autres termes, la fidélité à l’entreprise n’est non plus liée à la peur de perdre son emploi (dimension négative de la fidélité), mais plutôt à la volonté d’être heureux au travail (dimension positive de la fidélité). De nouvelles fonctions, comme « Chief Happiness Officer » ou « Feel Good Manager » sont nées pour développer et partager le sentiment de bien-être des salariés, sources de performance durable. Cette quête du bonheur en entreprise est en phase avec les aspirations de la génération Z, qualifiée de « génération perle » par le philosophe Vincent Cespedes, pour qui « la jeunesse d’aujourd’hui est une perle rare qui ne demande qu’à briller. »

Cette génération ne cherche pas à être heureuse, elle l’est. Le DRH est alors un « directeur des richesses humaines » ou encore un « développeur de la réussite humaine » qui contribue au développement collectif tout en reconnaissant les aspirations et les compétences individuelles des jeunes collaborateurs. Les entreprises tendent à se concentrer sur deux principales formes de reconnaissance : la reconnaissance liée aux résultats (résultats financiers) et la reconnaissanceliée à l’investissement dans le travail (qualité et efforts fournis). Pourtant, la génération Z est plus intransigeante que les autres sur la satisfaction de la reconnaissance existentielle, portant essentiellement sur le collaborateur en tant qu’être humain.

Le processus classique d’évaluation sous la forme de l’entretien annuel peut alors apparaître dépassé à l’heure du temps réel permanent et du besoin de reconnaissance existentielle (lire aussi l’article : « Ne supprimons pas les entretiens annuels »). Selon une étude Deloitte de 2016 sur les nouvelles formes d’évaluation de la performance, seuls 3% des jeunes talents déclarent souhaiter être évalué de manière ponctuelle et annuelle. Leur besoin de reconnaissance existentielle existe tout au long de l’année. Il s’agit donc pour les entreprises de mettre en place un outil de feed-back permanent, non sollicité, pouvant être initié par le manager mais aussi par les collaborateurs. On voit apparaître de nouvelles formes d’évaluation du travail en groupe (Adobe, Deloitte, IBM et Google l’ont fait), s’intéressant à la performance collective, ce qui renforce la cohésion de l’équipe et donc l’engagement des collaborateurs.