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Je vous recommande la lecture de cet article qui relate les échanges des Cannes Lions, où Hiroshi Ishiguro –roboticien japonais- a présenté son clone. Au cours de ce congrès, la question de l’IA, de ses impacts sur la notion de travail et de notre rapport au monde ont notamment été questionnés.
L’avènement de l’intelligence artificielle dans nos sociétés n’est plus en question. Cette dernière est déjà là, au milieu de nous : reconnaissance vocale, algorithmes, premiers robots fonctionnels… Sa présence au cœur de notre quotidien ne va cesser de croitre dans les décennies à venir, nous le savons tous.
Sur le plan économique, une des premières questions est notamment de parvenir à estimer son impact sur la pérennité d’un certain nombre de métiers actuels et, plus fondamentalement, sur notre rapport au travail.
Selon Ishiguro, l’intelligence artificielle va permettre à l’Homme de se libérer des travaux les plus avilissants et va lui donner l’opportunité de se consacrer intégralement aux tâches créatives et inventives, pour lesquelles, selon lui, l’Homme est vraiment fait. Embrasser cette vision des choses revient donc à réduire le travail à une punition ou à un état duquel il faudrait absolument se libérer. Toujours dans cette hypothèse, l’intelligence artificielle va permettre à l’Homme de se consacrer aux activités auxquelles il aspire vraiment (l’invention, la créativité, la recherche…) en le libérant des tâches les plus ordinaires et serviles.
Mais le travail ne peut-il pas être source d’épanouissement, même sous ses formes les moins enthousiasmantes (voire pénibles!), à condition de l’ordonner au Bien commun et de l’accomplir dans un esprit de service ? De plus, il est pourtant difficile de concevoir une société où nous serions tous appelés à être des créatifs, des inventeurs ou des philosophes ! Selon nos talents, notre formation, nos modes de fonctionnement et notre héritage culturel, nous sommes naturellement portés vers des tâches créatives, ou à l’inverse, peut-être, vers des tâches plutôt répétitives. Je fais référence ici à la typologie du modèle TLP Navigator, basée sur les travaux de Carl Jung, qui présente quatre grandes familles de talents répartis chez les individus : l’invention, le leadership, le goût pour les opérations et celui pour le soutien aux autres. Chacun en possède principalement un et est à l’aise avec un second. Toute forme d’organisation a besoin de ces quatre talents, sans exception, répartis chez ses membres pour fonctionner durablement. Une société qui ne seraient composée que d’inventeurs serait donc assez utopique et certainement peu productives in fine… ! Dans sa vision de l’avenir, Ishiguro est donc certainement quelque peu autocentré, en concluant un peu rapidement que l’humanité entière lui ressemble…
Au-delà de ces considérations sur le travail, une question plus fondamentale émerge : comment faire pour que ce progrès technologique, aux conséquences immenses et difficilement mesurables, reste au service de l’Homme, de tous les hommes, et non d’une oligarchie mondiale détentrice de ces technologies hautement différenciantes…
Amis philosophes, à vous de jouer!