« L’équité a le goût du chocolat »

Ou comment les neurosciences ont redécouvert les besoins humains fondamentaux[1]

Matthew Liberman* fait ici référence à une découverte surprenante. Il révèle que les régions du cerveau associées au plaisir de goûter du chocolat sont les mêmes que celles qui sont activées lorsqu’on est traité avec équité par un pair !

Ce constat s’intègre dans un champ plus large de redécouverte des besoins fondamentaux de l’Homme, permise par les recherches en neurosciences [2] : le besoin d’équité, le sentiment d’appartenance à un groupe et la préservation du statut.

 

  1. Le besoin d’équité

Être traité de façon équitable et faire preuve de justice dans nos échanges constituent un besoin de base. C’est une règle implicite de comportement social. Si bien que, lorsque nous faisons l’expérience inverse, nous sommes sujets à un profond sentiment de mal-être, voire de colère. C’est notamment le cas lorsque nous avons le sentiment d’être victime d’une injustice.

Soyons témoin ou victime d’une injustice et notre motivation s’en trouvera immédiatement affectée.

 

  1. Le sentiment d’appartenance

Le deuxième besoin fondamental est le sentiment d’appartenance.

Il est aussi indispensable pour l’être humain de se sentir membre d’un groupe, que de boire ou manger. En effet, comme l’a montré Liberman, le cerveau d’une personne exclue d’un groupe  ressent une « douleur sociale ». Ceci quelle que soit la nature du groupe considéré : familial, amical, professionnel, ou social. Cette douleur se situe dans les mêmes structures cérébrales que celles qui sont chargées de l’enregistrement de la douleur physique ! Ces recherches pointent clairement les risques pouvant exister dans un environnement de travail où règnent défiance et insécurité.

Ajoutez à cela le caractère numérique des relations quotidiennes de travail  : vous obtenez un coktail molotov redoutable…

 

  1. Troisième besoin : la préservation du statut

Le troisième besoin fondamental est l’affirmation de notre statut, de notre positionnement hiérarchique.

Lorsque nous communiquons, nous recalculons instinctivement notre statut en fonction de celui perçu chez nos interlocuteurs.  «La façon dont nous interagissons et dont nous nous comportons dans notre environnement social est souvent déterminée par la comparaison de notre propre statut social à celui des autres », explique Caroline Zink**

Conséquence : lorsque nous sentons que notre statut est fragilisé (par exemple, lorsqu’un collègue nous contredit en réunion), nous activons des mécanismes neuronaux liés à la défense et à la survie. Selon James Teboul[3], notre cerveau constitue des « cartes neuronales complexes » qui représentent notre propre statut, mais aussi celui des personnes que nous côtoyons. Ces « cartes neuronales » intègrent notamment des informations liées à l’ordre hiérarchique (âge, revenus, force, poids…).

Pour maintenir l’engagement de ses équipiers dans la durée, un manager doit donc prendre un soin tout particulier à ne jamais porter atteinte à leur statut, mais aussi à confirmer leur positionnement et leur légitimité.

Décisions équitables, culture du sentiment d’appartenance et respect de la personne : un triptyque à inscrire dans les pratiques des leaders de demain ?

Et pourquoi pas de ceux d’aujourd’hui 🙂 ?

 

 

[1]Cité par James Teboul dans Neuroleadership, le cerveau face à la décision et au changement, ed Odile Jacob, 2017

[2] Ceci grâce à l’IRMF. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle cérébrale (ou IRMf) est une technique d’imagerie cérébrale mesurant in vivo l’activité des aires du cerveau en détectant les changements locaux de flux sanguin.

[3]Idem (1)

*  Matthieu Liberman est directeur de laboratoire de neurosciences cognitives sociales de l’Université de Californie à Los Angeles

** Chercheuse en neurosciences